toucher physique non consenti (possiblement), mention de mort dans les description et deuilSéance photo avortée, lorsque le soleil entame sa lente course vers l’autre hémisphère de cette planète. Il pourrait installer des lumières, changer d’objectif pour y faire entrer plus de lumière contre la surface photosensible de la pellicule, mais ça changerait tout, alors. Ca ne serait pas le même procédé, pas la même intention. Alors il remballe, et sur le trajet qui le sépare de sa voiture, s’allume une clope pour s’éviter de songer à des sujets qui ne sont pas les bienvenus dans son crâne. (Son père au bord du précipice, son meilleur ami mort, son mec qu’il devrait détester).
Etrangement, c’est à Joni qu’il songe, quand il range le sac de son appareil et le trépied dans le coffre de sa voiture. Peut-être parce qu’elle mélange deux des trois sujets auxquels il n’était pas censé penser ; peut-être parce qu’avec elle, il pense moins à Julien (mais beaucoup plus à Tomma).
Puis y’a cette foutue promesse. Elle va le démonter, mais tant pis, il sait encaisser il a vu pire. Alors il se gare devant la boutique, avise l’écriteau qui annonce la fermeture sans que l’information n’ait la moindre importance pour lui. Le Valéry tente sa change, et binge : ça s’ouvre, avec un petit tintement qui rappelle à lui seul bien trop de souvenirs.
Il s’attendait presque à voir Tomma apparaître depuis l’arrière d’une pile de bouquins sur le point de s’écrouler, les lunettes sur le nez, les manches de la chemise remontées sur ses coudes. A la place c’est une blonde à l’air bien moins amical qui l’accueille, avec ses cheveux platine qui coulent dans son dos comme une cascade d’argent. C’est son dos qui l’accueille, et sa chute de reins qu’il ne peut s’empêcher de détailler.
Il ne sait pas vraiment pourquoi il le fait, mais il se laisse porter par le désir de l’approcher, sans y réfléchir. Pour respirer les effluves de son parfum, peut être. La distance de sécurité est passée, et il le sait, bien qu’il reste à distance respectable. Joni est une teigne, il l’a vue le devenir au fil des années, et ne comprend toujours pas pourquoi Tomma s’est dit qu’elle avait besoin d’être protégée. Et le mot qui claque, comme un point final, contre le palais de la jeune femme en est la preuve.
Il a l’habitude qu’elle le repousse, alors il ne bouge pas d’un centimètre.
Elle ne se retourne pas pour autant.
“Non,” fait-il en s’approchant encore un peu, dominant sans aucune difficulté la jeune femme de toute sa hauteur, bien que ça ne soit pas forcément le but ; il ne cherche pas à l’intimider, c’est juste un fait, ils ont au moins une dizaine de centimètres de différence, si pas plus. Son regard tombe sur la main qui resserre un étui à lunette, la tension est visible dans les jointures de la blonde. Il tend les doigts, effleure l’arrière de sa paume. “Tu ne comptes pas me frapper avec ça, n’est-ce pas ?” (on n’est jamais trop prudent). Il retire sa main, conscient de la liberté qu’il vient de prendre.
“J’ai laissé des pellicules ici,” peut-être que c’est vrai, peut être pas. Il ne s’en rappelle pas, à vrai dire. C’est vrai qu’il trainait souvent dans le magasin de son meilleur ami, qu’il aimait bien parcourir les bouquins d’art pour y trouver de l’inspiration, tout en discutant avec l’homme qui perdait pieds sans que Luca se rende compte de l’ampleur de la chute.
Peut être que c’était aussi pour ça qu’il était là, finalement. La culpabilité de ne pas avoir senti ce qu’il se passait, du moins pas assez, le rongeait jour et nuit. Et ses nuits n’étaient pas aussi belles qu’elles l’avaient été jadis, entre les fois où il se demandait où traînait son mec, et les fois où ils se retrouvaient pour se crier dessus.