homesick
rp privé, @Caridad Reilly
tw : perte d'un enfant, fausses-couches, adultèreSept mois qu’elle est partie, envolée dans les rues d’Oakland sans qu’il ne sache vraiment où elle se trouve. Ford n’avait rien dit, ou plutôt il n’avait pas été contre. Elle en avait besoin, sans doute que lui aussi. Trop de perte, trop de douleur et, surtout, l’horreur la plus forte qu’ils avaient vécu ensemble. Prendre du temps loin de l’autre leur ferait du bien, mais lui, il pensait que ce n’était qu’une question de jours, de semaines tout au plus. Un maximum d’un mois qui finirait par ne plus exister parce qu’ils reprendraient ensemble leur vie de couple, leur vie à deux. Sept mois maintenant, et Ford en a perdu le sommeil. Il se tourne et se retourne dans le lit vide, froid, silencieux. Il tend l’oreille pour entendre les bruits qui ne viendront jamais de la chambre d’enfant, à l’autre bout du couloir. Les cauchemars se peuplent de cris, d’espoirs brisés, de relations qui s’effacent, et quand enfin il se réveille d’une nuit trop courte son cœur éclate en voyant que Cari n’est pas revenue à ses côtés. Trop amoureux pour avancer, peut-être trop bête aussi. Il est naïf Ford, il ne pense pas à ce que sa femme peut faire avec d’autres hommes depuis qu’elle n’est plus dans ses bras. Il continue à croire en eux, à cette famille dont ils rêvaient et qu’ils forment tout de même, d’une certaine manière. Les oreilles se bouchent aux ragots, les yeux portent des œillères. Il ne sort plus beaucoup, se concentre sur ce qu’il peut maîtriser, c'est-à-dire son boulot. Voilà, il est devenu l’archétype du gars vivant pour son job, lui qui avant préférait rire et prendre du bon temps. Il quitte la maison tôt, y revient tard, tout pour ignorer l’absence qu’elle a laissé en partant. Il n’y a plus rien de bon ici, parce que même les meilleurs souvenirs pourrissent entre ces murs qui ne sentent plus rien. Les odeurs des plats de Caridad se sont dissipés, l’éclat de son rire ne résonne plus nulle part. Ford se sent seul et abandonné, un peu idiot.
Et aujourd’hui, il est piégé. Jour de congé imposé, pour la simple raison que sa voiture est au garage. Pas de chantier, pas de travail, juste le temps qui s’allonge. Il en a profité pour faire une sieste, essayer de rattraper ce sommeil qu’il n’attrape que trop rarement quand la nuit tombe. Ce n’est pas grand chose, mais les quelques heures qu’il passe dans son lit sont peut-être moins pénibles que d’habitude. Jusqu’à ce que la faim l’éveille, qu’il soit l’heure d’un sandwich et d’un verre de quelque chose de frais. En se levant, il se demande toutefois si ce n’est pas autre chose qui a attisé ses sens. Des bruits au rez-de-chaussé, dans la cuisine. Une présence familière et pourtant si étrange. Il descend discrètement Ford et il sursaute presque en la voyant, là, au milieu de la cuisine. L’effet de la surprise, mais aussi celui de son cœur qui se serre et s’emballe comme un cheval au galop. Caridad se tient là où elle s’est tenue des millions de fois, dans la même position, cherchant une recette précise dans son cahier où elle les note toutes. Ca lui fait mal à Ford, de la voir là, comme si rien n’avait changé. Et pourtant… Malgré toute sa volonté, ça a changé. Le temps a passé. « Salut. » dit-il simplement, appuyé contre le cadre de la porte. Sur ses lèvres se dessine un sourire léger. Il est heureux de la voir, il ne peut pas le nier, mais il n’ose pas non plus espérer. « Ça fait longtemps que tu es là ? » Question entièrement inutile qui passe ses lèvres par automatisme. Parce qu’il ne veut pas commencer par les sujets qui fâchent, par les questions qui font mal. Là, il entame en douceur, avec l’espoir, peut-être, qu’ils pourraient ensemble faire comme si rien ne s’était passé.