Il y a les pneus qui crissent au loin quand les prunelles de Jillian se perdent dans le nuage de fumée s'échappant d'une Gran Turismo carmin. La nuit devient ténèbres, mais il y a dans cet enfer toute l'effervescence d'une foule en furie, meute sordide et cerbère, qui applaudit à chaque passage d'un participant le long du trottoir protégé de quelques plots jaunis par le temps. Elle a l'âme qui vibre quand elle s'imagine le cœur de Silas bondir dans sa poitrine, l'adrénaline remplir son corps comme l'air se vautre dans les poumons à chaque inspiration. Il a besoin de ça, il vit de ce danger. Il a les veines emplies de ce produit dopant qu'est le compteur de vitesse qui s'affole.
Et la jeune femme au bord de la piste, longs cheveux noirs s'éparpillant aux quatre vents, a le rictus de plaisir qui se dessine le long de sa joue. Elle n'a pas cette veine émotion doucereuse qu'est celle de l'empathie, non, elle se plait seulement à partager sa couche avec le vainqueur de la course. faites que ce soit Lui et surtout pas le ventre bedonnant de Jim.
Elle sautille à chaque passage des chevaux ailés devant son visage enfantin, ravie de profiter d'une nuit aux larges étoiles pleines de promesses avortées. Elle retrouve l'ardeur de ses six ans, Jillian, avant de se perdre dans des ébats millénaires. L'odeur de la cigarette qui se consume la ramène au réel, le drapeau cramoisi s'élève dans l'obscurité, et se découpe au couteau dans le sombre horizon. ça a le goût âcre de la fin.
La foule se meut en un hurlement emphatique, salue le vainqueur en scandant son nom. Il y a deux syllabes qui se découpent dans le silence. Si - las, si - las.
Il faut dire qu'elle ne se mêle pas à la meute, Jillian, considérant sans doute qu'elle la domine de sa superbe insolence. Seules ses prunelles se voilent d'un tapis de fierté, récompense optimale pour celle qui est plus habituée à les recevoir qu'à les donner.
Adossée à une carcasse de voiture depuis longtemps abandonnée et couverte de tags  enchanteurs et salvateurs, drapée de cette longue robe noire indécente tant elle épouse ses formes sculpturales, elle se noie dans le spectacle du vainqueur défaisant ses ornements. Il quitte sa monture, joues légèrement rosies par l'adrénaline, cheveux défaits, quelques mèches tombant le long de ses yeux teintés du courroucé bonheur de la mort si près frôlée. Il est d'une impudique beauté, et nombre de têtes du cerbère se pâmeraient pour rien qu'un mot de lui.
Jillian se met en mouvement, s'extrait de son admiration de statue, et elle a les talons hauts qui claquent sur le sol pavé du circuit de course de la banlieue. Elle s'annonce, comme l'éclair prévient l'orage. Comme si elle avait la décence de signaler les risques que l'on prend à s'enflammer à ses côtés.
" Toutes mes félicitations " qu'elle susurre à son oreille, faisant claquer sur sa joue un vibrant baisé empoisonné. " Tu as été sublime " Mais elle l'est aussi, Jill, alors que, juchée sur ses talons hauts comme une reine en son empire, elle tranche avec la ferveur du milieu de Silas. Pourtant, cet univers teinté d'illégalité crasse lui sied plutôt bien au teint - et elle ressent comme un viscéral besoin de marquer d'un maléfice celui qui tout entier lui appartient. A jamais.
Et le faire sien aux yeux du monde.

chiens aux abois. se morfond en édulcoré, crocs acérés et lippes étirées. le coeur flanche, tel une tempête subitement gelée par les monstres se pavanant dans la noirceur. ils se morfondent contre le macadam chaud, ébranlent les idéaux. moteur vibre sous l'acier. effluves d'échappement brûlant les narines et vaisseaux ambiants. il vit pour ces instants de clémence où la mort est à chaque tournant mais se fourvoie d'un passage trompeur, le sourire aux lèvres et les vagues en crève coeur.


seconde silence dans l'habitacle où seules les vibrations dans sa cage thoracique témoigne d'un émois battant là. le dernier coup de volant écharde ses paumes. cruelle fin s'estompant à l'aurore d'un drapeau hissé dans la nuit noire. hurlements strie le néant et le moment s'échappe aussi vite qu'il était apparu. devient alors ce vaste vide de rien. comme si le tout venait de le quitter sur le champ, rassasié de sa faim.

tumultes à sa portée quand les âmes vibrent à s'en épancher. crevant l'espace à sa sortie désarticulée, criant un nom qu'il a tant de fois espérer. ça lui rappelle l'ancien temps; les mains ensanglantées, la fureur au ventre et la rage en péché. ça lui rappelle les frasques trop nombreuses pour être compter, les excès innombrables souvent impossibles à se rappeler. les adultères grisant une relation qu'il a laissé couler, peu courageux d'endosser un rôle pour lequel, pourtant, il avait presque juré. secondes d'effilent, s'affligent. égo gonflé, embrassades estompées et souffle pestilence, se veut presque chasser. jusqu'à ce que la nuitée ne dévoile les vices. là, à la clameur de la lune, estompée en effet flouté, sans doute encore trop loin pour être admirer. un pas puis un autre avant que la chute ne soit inévitable, comme une épine au coeur qu'elle vient à planter sans qu'il n'ait la possibilité de la retirer. silhouette affinée dans la lugubre saveur, effilochant ses courbes, sur ses talons hauts, dénotant presque dans le paysage urbain s'effaçant avec lenteur. il délaisse ces fanatiques d'une heure, crevant la distance imposée; salvatrice des excès. saveurs s'étiolent, brimant les espaces alors qu'elle entoure ses bras autour de sa nuque, et qu'ils déposent ses paumes contre ses hanches. c'est comme si tout à coup, le brouhaha générale n'était plus qu'un écho lointain, un murmure à peine réel, brimant l'horizon à l'arrière. il n'y a rien. plus rien, si ce n'est ce vide qu'elle empli et étire. « tu l'es encore plus. » en réponse-noctambule. phonèmes scrutent les oscillations de ses traits, retombant non sans s'en cacher, sur divine derme s'accusant presque d'être si peu habillé. ô cruor chaos, déluge d'oxygène. « je ne savais pas que tu viendrai ce soir. » égarement, en secondes vibrantes, remontant avec lenteur à l'onyx de ses pupilles tandis qu'une de ses paumes s'aventure à l'aurore du bas de ses reins, froissant le tissu de sa robe. « tu devrai monter avec moi un jour. » chimère s'effarouchant à devenir réalité alors que son visage s'avance. lenteur consumer, frôlant ses lèvres des siennes sans jamais s'y déposer. à jouer les lueurs, s'y brûler et emplir ce vide. continuellement.

Il y a un éclair qui fend l'air lorsqu'il dépose ses paumes tout contre ses hanches. Elle se noie dans ce qu'elle ressent, Jillian, ne peut saisir le tourbillon de ses émotions. C'est étrange, insolite et soudain, et quand elle plonge ses prunelles dans celles de Silas, elle endure un émoi jamais jusqu'alors ressenti. Elle n'a pas de mot pour le dire, pas de pylône pour l'analyser, rien que la bizarrerie de ce souffle chaud le long de ses reins. Seule la fierté d'effacer la foule se laisse percer à jour. Elle n'a pas l'habitude d'ainsi se perdre dans ses troubles, l'analyste des états d'âmes. Sans doute que cela se lit dans ses prunelles, peut-être même Silas le voit-il dans le perfide éclat qui vibre dans les iris.
Le fait est qu'elle a ce sourire juché sur le visage, et la volonté farouche de le faire sien. Volonté qui s'étire lorsqu'il frôle ses lèvres des siennes, alors que Jillian s'échoue dans ce charmant naufrage. Le silence se brise mais elle n'entend que des susurres aux allures de poison. " tu devrais monter avec moi un jour. "
Les propositions s'envolent au gré du vent dans la nuit noire, et plus rien d'autre n'existe désormais que leurs souffles qui minaudent. C'est vorace, c'est électrique. Et quiconque tend l'oreille entendra le grondement sonore du tonnerre qui les lie comme deux âmes vagabondes et jumelles.

Elle ne saurait expliquer comme son corps se love au sien, sans le vouloir, comme s'il était doté de sa propre intention. Sa robe qui se relève délicatement, laisse entrevoir encore un peu de sa peau diaphane toute entière vouée à lui. Pour l'heure. Pour l'instant. Car elle n'a Silas dans la peau que lorsque ses yeux se vautrent dans sa contemplation. Loin des yeux, loin du cœur, et elle se complait dans la certitude erronée qu'elle ne lui est pas attachée.
Pourtant, lorsque sa voix brise à nouveau le silence, elle se dévoue.
" Tu devrais savoir que je suis toujours où l'on ne m'attend pas. " Elle ne ment pas, Jillian, quand elle porte autour du cou comme un collier trop attaché le vice du guet-apens. Surprenante et changeante, elle se déploie dans sa toute puissance quand elle est versatile. Hier angélique naïve aux aubes virginales, demain démoniaque sorcière à l'âme terrifiante, elle ne se livre jamais sous la même estampe, comme une manière habile de s'enfuir dans les airs avant qu'on ne l'attrape, qu'on ne la comprenne. Depuis toujours et à jamais, comme un ombrageux fantôme.
Si elle rêve de passer une main non chaste dans la tignasse blondine de l'alter égo masculin, elle se contente de la sienne, ébouriffant lascivement ses cheveux bruns. " Si je monte avec toi, un jour, il faudra que tu ne craignes pas de corrompre le cuir de ta jolie mustang. " Elle a le sourire lascif qui se dessine sur le visage empourpré par le désir, les joues légèrement rosées et la bouche envieuse.


" Je ne garantis pas d'être sage. " Qu'elle susurre dans le creux de son oreille, comme pour n'être pas entendu de la foule. Fait-elle illusion, la belle effrontée ? Il ne semble pas, tant la chaleur s'infiltre dans le creux de ses reins.